Les Mondes de Clèm: Clémentine Beauvais, auteure et traductrice

vendredi 23 juin 2017

Clémentine Beauvais, auteure et traductrice

Clémentine Beauvais au festival du livre jeunesse de Cherbourg 2016

Clémentine Beauvais a écrit de nombreux romans jeunesse, dont Les petites reines et Songe à la douceur, que j'avais particulièrement adoré (collection Exprim', éditions Sarbacane). Tout récemment, elle vient de traduire Inséparables, de Sarah Crossan, qui est paru aux éditions Rageot. C'est un roman en vers magnifique, qui m'a réellement touchée. Pour en savoir plus, rendez-vous ici. Clémentine Beauvais a accepté de répondre à mes questions, à propos du roman et de la traduction en général...

Comment t'es-tu retrouvée traductrice d'Inséparables ? Est-ce que tu as demandé à le faire ou bien est-ce l'éditeur qui t'a contactée ?

Bonne question ! Un peu des deux. C’est une histoire assez marrante. En fait, Murielle Coueslan de chez Rageot m’a contactée en disant « Clémentine, tu connais Sarah Crossan ? Elle écrit des romans en vers, on hésite à en acheter… » Evidemment, je connaissais très bien Sarah dont j’étais assez fan, et donc j’ai répondu en disant « Achetez-les !!! Et est-ce que je peux faire un essai de traduction… ? » et c’est comme ça que ça s’est fait.

Est-ce ta première traduction ?

En fait non, car j’avais déjà traduit mon propre roman Les petites reines en anglais (Piglettes, chez Pushkin, juillet 2017). J’avais aussi fait de petits boulots de traduction dite ‘pragmatique’ ( = traduire des sites web, etc.) et puis quand j’étais ado, j’ai été pendant plusieurs années traductrice anglaise-française du site de fans d’Harry Potter Mugglenet.com…

Comment as-tu découvert le roman et qu'est-ce que tu as aimé dedans ?

J’ai découvert le roman à sa sortie en Grande-Bretagne, mais je connaissais déjà Sarah avec ses deux romans précédents, The Weight of Water et Apple and Rain, que j’avais adorés. J’avais aussi lu ses romans dystopiques. Ce que j’adore dans l’écriture de Sarah c’est que c’est extrêmement simple, limpide, tendre, mais profond. Elle est toujours dans la retenue et le non-dit. C’est une écriture très élégante.

L'as-tu lu plusieurs fois avant de commencer la traduction ?

Deux fois seulement : une fois à sa sortie, sans savoir donc que j’allais le traduire, et une deuxième fois quand Rageot m’a officiellement proposé de le faire. La traduction a été ma ‘troisième’ lecture.

Généralement, les traducteurs ne sont que très peu connus, parce qu'ils n'ont pas "écrit" le roman. Certes, ils n'ont pas écrit l'histoire en elle-même, mais je pense que le style d'écriture du traducteur joue un rôle indéniable dans le livre final. Ce sont eux qui ont la lourde tâche de choisir les bons mots, les bonnes expressions... Ce qui est aussi ce qu'un auteur fait. Qu'en penses-tu ?

C’est d’autant plus le cas en jeunesse. Mais la situation évolue, je crois qu’on s’avance vers une plus grande reconnaissance de la traduction pour enfants et adolescents comme travail véritablement littéraire, et pas seulement comme une simple opération de transfert. En théorie de la traduction, il y a beaucoup d’appels à laisser tomber l’expression ‘texte original’, qui signifierait qu’il y aurait un ‘vrai’ texte et puis ses ‘dérivés’, les traductions. Il faut envisager la traduction comme un acte de création littéraire à part entière. Il est très clair que, même pour des langues proches, l’on ne pourra jamais que ‘dire presque la même chose’, d’après l’expression célèbre qui a donné son titre à un livre d’Umberto Eco sur la traduction.

Il faut aussi remettre en question la tentation de penser que toute personne qui parle à peu près deux langues est d’emblée capable d’être traducteur. Il est évident qu’il faut aussi des capacités d’écriture mais aussi, je pense, des capacités de réflexion métalinguistiques, c’est-à-dire une réflexion sur le langage et les langues. Il faut être assez passionné par ce qui constitue l’écart et les zones de tensions entre deux langues. Il faut enfin une connaissance assez solide des contextes culturels et historiques.

Il faut aussi en parler aux enfants, expliquer ce que cela veut dire de traduire. Je pense que l’une des premières fois où ma conscience a été éveillée quant à la traduction a été quand je me suis aperçue des ‘modifications’ apportées par Jean-François Ménard au texte de J.K. Rowling. J’étais ultra choquée qu’il ait ‘transformé’ Hogwarts en Poudlard, Snape en Rogue, etc. J’ai partagé ma colère avec ma mère, et elle m’a expliqué pourquoi il ne s’agissait pas d’un mensonge ou d’une trahison, mais d’un travail de traduction extrêmement intelligent. J’ai eu de la chance, je pense, que ma mère en ait été consciente et ait trouvé les mots pour me le dire. Ce n’est pas du tout spontané pour un enfant ou un ado de comprendre les enjeux littéraires de la traduction. Je pense que quand on est petit/e, on est très attaché aux questions de propriété intellectuelle, de ce qui est ‘vrai’ ou de ce qui est une ‘copie’, et on n’a pas forcément les outils pour comprendre qu’il est problématique de penser la traduction avec ces dichotomies-là. Il faut de la pédagogie.

D'abord Songe à la douceur, puis cette traduction d'Inséparables. Pourquoi cette amour pour les romans écrits en vers libres ?

Je n’ai vraiment pas un amour particulier pour les romans en vers libres. C’est un genre que j’ai découvert il y a quelques années et dont certains aspects me plaisent ou m’intriguent, mais ce n’est pas mon genre ‘fétiche’ et il y a beaucoup d’autres formes littéraires que j’aime aussi. Mais cette traduction-là, comme je l’ai expliqué plus haut, ‘faisait sens’ (anglicisme !!!) dans un contexte particulier.

Est-ce que tu comptes écrire de nouveaux romans en vers libres ? Dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui :D

…non… sorry… ! J

Il est vrai que certain/es auteur/es se ‘spécialisent’ en romans en vers, mais pour moi l’écriture en vers de Songe à la douceur était vraiment liée à sa nature, à son essence. C’était un roman inspiré d’un autre roman en vers et d’un opéra. La versification était dans son ADN, pour ainsi dire. Je ne me vois pas écrire d’autres romans en vers sauf s’il me vient une idée qui exige cette forme-là.

Merci à Clémentine Beauvais d'avoir accepté cet interview et merci pour ces très chouettes réponses ! Si vous n'avez pas encore lu de ses romans ou Inséparables, lisez-les sans plus tarder. Vous ne pourrez pas le regretter !

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